La correction de manuscrits
La conjugaison des verbes
Une mauvaise utilisation du temps des verbes se retrouve dans tous les manuscrits que j’ai eu à corriger. Les auteurs mélangent allégrement le présent avec l’imparfait, le passé simple et même le futur. D’une façon générale, je constate même une disparition progressive des temps (subjonctif, passé simple, imparfait, formes composées du futur, participe passé…). Cela donne lieu à une pensée au présent, limitée à l’instant, comme si l’auteur était incapable de se projeter dans le temps (aussi bien dans différents moments du passé, que dans un futur plus ou moins éloigné). Et pourtant, la qualité du style dépend de la qualité des verbes. Ceci est très grave car moins de mots et moins de verbes conjugués, c’est moins de capacités à exprimer les émotions et moins de possibilité d’élaborer une pensée.
L’imparfait de l’indicatif
L’imparfait du subjonctif
Son usage remonte au XVIIe siècle. Il est grammaticalement parlant tout à fait correct. C’est un temps simple qui exprime une action incertaine, non réalisée au moment où le locuteur s’exprimait.
Ainsi, Molière écrivait dans le Misanthrope : « je voudrais bien, pour voir, que, de votre manière, vous en composassiez sur la même matière ». Cependant, aujourd’hui, comme ce temps apparaît peu harmonieux, de nombreux auteurs proposent de l’utiliser le moins possible. Ainsi, George Sand écrivait : « qu’est-ce donc qu’un temps de verbe dont on ne peut se servir ne fusse qu’une fois, dans une tirade, sans blesser l’oreille et chasser l’émotion ? ». L’accord de l’imparfait du subjonctif est une affaire de tact. Toutes les fois qu’on le peut, il faut l’éviter.
Le passé simple de l’indicatif
Le passé simple exprime une action achevée du passé, le plus souvent une action brève. Contrairement à l’imparfait, il permet d’exprimer une action ponctuelle et courte. Imparfait et passé simple sont souvent utilisés d’une façon incorrecte par les rédacteurs débutants. Le passé simple est le temps privilégié du récit biographique, en détachant des évènements sur un arrière-plan d’imparfait : « La nuit était tombée (le ciel restera sombre pendant de nombreuses heures), j’allumai mon ordinateur (cela me prit trente secondes).
L’infinitif
L’abus des auxiliaires et du verbe faire
Les auxiliaires « avoir » et « être » inondent de nombreux manuscrits. Pour que le verbe contribue à l’éclat du style, il faut autant que possible qu’il marche seul, sans le secours de ces auxiliaires qui sont les fléaux de la prose. Il y a aussi un mot qui se glisse facilement sous la plume : c’est le verbe faire. On explique comment aujourd’hui : « il fait de la bronchite… il fait de la fièvre ». Comme s’il s’agissait de faire du 100 à l’heure. Le verbe faire, prends quelques fois le sens du verbe dire. L’un des pires abus du verbe faire, consiste à l’employer à la place d’un autre verbe.
La grande confusion des majuscules et des minuscules
Ainsi, les noms de fonction s’écrivent toujours avec une lettre minuscule : le préfet, le maire, l’avocat et même le ministre et le président. Cependant le nom du ministère commence par une lettre majuscule : « le ministre de l’Intérieur » et de même : « le président de la République ». Par contre on écrira son titre avec une lettre majuscule lorsque ce mot est écrit tout seul « Le Président est venu hier à la réunion des ministres ». Il en est de même avec les titres honorifiques qui doivent prendre une majuscule : Sa Majesté, Votre Sainteté.
Les noms d’organisation (associations, noms d’établissement, ministères, journaux) commencent par une majuscule lorsqu’ils sont uniques : l’Académie française, le Secrétariat d’Etat à la jeunesse. Par contre, les noms d’organismes qui ne sont pas uniques ne prennent pas de majuscule : la mairie de Paris, la cour d’appel de Versailles.
La richesse d’une langue permet d’exprimer une pensée plus profonde
On fait face aujourd’hui, principalement avec les nouveaux outils de communication (téléphones et ordinateurs portables) a une vague déferlante de simplification des mots et des phrases, appauvrissant le langage et donc la pensée : conjugaison au temps présent, mots tordus pour exprimer le contraire de sa signification, disparition des majuscules et de la ponctuation.
Cette vague est encouragée par des journalistes et des auteurs peu scrupuleux qui expliquent à longueur de temps qu’il faut simplifier l’orthographe, purger la langue de ses «défauts», abolir les genres, les temps, les nuances, tout ce qui crée de la complexité. Ce sont les fossoyeurs de l’esprit humain. Il n’est pas de liberté sans exigences. Il n’est pas de beauté sans la pensée de la beauté.
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